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çumes que deux des Haubans du grand mât, et un de celui d’Artimont étoient rompus ; nous les racommodames et les rattachames sur le champ. Nous eumes ensuite trois ou quatre jours moins orageux qu’à l’ordinaire, mais en revanche un brouillard si épais qu’il fallut tirer un coup de canon de demi-heure en demi-heure, pour empêcher l’Escadre de se disperser. Le 31 nous eumes une allarme causée par un coup de canon tiré du Gloucester, et par un signal fait de ce Vaisseau pour parler au Commandeur. Nous dérivames vers lui, nous attendant à apprendre quelque désastre terrible ; mais nous vimes ce dont il s’agissoit avant que de l’avoir joint, car nous remarquames que sa grande Vergue étoit rompue entre les Palans. C’étoit un grand malheur pour toute l’Escadre, car cela ne pouvoit que nous faire perdre du tems et nous retenir dans ce terrible Climat. Mais il n’étoit pas question alors de déplorer ses infortunes, il falloit payer de résolution et d’activité ; aussi le Commandeur ordonna-t-il sur le champ à plusieurs Charpentiers du reste de l’Escadre de passer à bord du Gloucester, pour réparer au plutôt ce dommage. Dans le même tems le Capitaine du Tryal représenta que ses Pompes ne valoient rien, et que son Vaisseau faisoit eau. Le Commandeur l’accomoda d’une Pompe de son propre Vaisseau ; et ce fut un grand bonheur pour le Gloucester et le Tryal, que le tems se trouva plus favorable ce jour-là qu’il ne fut avant et après, pendant plusieurs jours ; car il y eut moyen de leur donner un secours très nécessaire : la chose eût été impossible tous ces autres jours, où l’on n’auroit pas même ôsé risquer un Canot.

Le lendemain 1 d'Avril, le tems redevint mauvais, le ciel se couvrit de sombres nuages ; le vent se renforça et soufla par boufées ; cependant il ne fut pas si violent qu’il ne nous permît de porter nos Huniers, après en avoir pris les ris ; mais on pouvoit bien juger qu’une violente tempête étoit prochaine, aussi en eumes-nous une le 3 d’Avril, et qui en trois jours qu’elle dura, passa tout ce que nous avions encore éprouvé. Dès le commencement nous essuyames à bas-bord un furieux coup de Mer, qui fondit sur notre Demi-pont, et fit entrer par la galerie une grande quantité d’eau dans le Vaisseau. Nos Agrés souffrirent aussi beaucoup ; car un des Tourons de notre grand Etai se rompit, comme aussi quelques-uns de nos Haubans. Pour soulager nos mâts et nos Haubans, nous amenames la grande Vergue, et celle de Misaine, et pliames toutes nos voiles. Mous restames en cet état pendant trois jours, au bout desquels la tempête diminua un peu, Nous risquames de nous servir de nos basses Voiles ;