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CHAPITRE X


Navigation depuis le Cap Noir, jusqu’à L’Ile de Juan Fernandez.


Nous avons vu à la fin du Chapitre huitième, qu’après avoir eu le chagrin de remarquer l’erreur de notre estime, par la vue des terres dont nous nous croyions si éloignés, nous portames au S. O. Nous continuames à faire ce cours jusqu’au 22. d’Avril que nous nous trouvames au-delà du 60 degré de Latitude Sud, et suivant notre estime, à 6 degrés à l’Ouest du Cap Noir. Pendant tout cet intervalle nous navigeames aussi heureusement qu’on peut l’еsрérеr dans ces Parages, même dans la saison la plus favorable ; et sans les craintes dont nous étions agités ç’auroit été le tems le plus agréable pour nous, depuis que nous eumes passé le Détroit de Le Maire, jusqu’à notre arrivée sur les Côtes occidentales de l’Amérique. Ce beau tems dura avec peu de variation jusqu’au 24 ; mais ce jour-là, vers le soir, le vent fraichit, et augmenta jusqu’à former une violente tempête. Le tems d’ailleurs étoit fort embrumé, desorte que vers minuit, nous perdimes de vue les quatre autres Vaisseaux de notre Escadre, qui nous avoient toujours tenu fidèle compagnie, malgré les terribles orages que nous avions déja éprouvés. Pour surcroit de malheur, le lendemain comme on étoit occupé à serler nos Huniers, les cargues-point et les cargues-fond rompirent, et les voiles, étant plus d’à moitié emportées par le vent, toutes les coutures s’en déchirèrent, depuis le haut jusqu’au bas ; la voile du grand Perroquet battoit si rudement au vent, qu’elle emporta la lanterne, qui étoit à la hune, et mit le chouquet du Mât en danger. Enfin, quelques-uns de nos plus hardis Matelots se hazardèrent sur la vergue, et vinrent à bout, au péril de leur vie, de couper la voile jusqu’aux ris. Dans le même tems, la voile du Perroquet de Misaine battoit contre la vergue avec tant de furie, qu’elle fut bientôt mise en pièces. Comme si ce n’eût pas encore été assez d’embaras, la grande voile se lâcha, et nous fumes obligés d’amener la vergue, pour sauver la voile, et la vergue de Misaine étant aussi amenée, nous restames avec la seule voile d’Artimon. Outre la perte de nos Huniers nous souffrimes encore beaucoup de dommage dans nos Cordages.

Le 25 vers midi, le vent s’adoucit, et nous permit de rehisser nos