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tous nos malades à terre au nombre de cent soixante sept hommes sans compter au moins une douzaine, qui moururent dans les Chaloupes, n’ayant pu soutenir le grand air. La plupart de nos malades avoient si peu de forces, qu’il fallut les laisser dans leurs branles pour les mettre dans la Chaloupe, et ensuite, au sortir de la Chaloupe, les faire passer de la même manière jusqu’à leurs Tentes, en traversant un rivage pierreux. C’étoit-là un ouvrage très fatiguant pour le petit nombre de ceux qui se portoient bien. Aussi le Commandeur, par un effet de son humanité ordinaire, fit-il tout ce qui étoit en son pouvoir pour faciliter cet ouvrage, obligeant tous ses Officiers, sans distinction, à y prêter la main et en leur donnant l’exemple. On pourra juger en quelque sorte de l’ехtrême faiblesse de nos malades par le nombre de ceux d’entre eux qui moururent à terre ; car on a presque toujours éprouvé, que la Terre, et les Rafraichiffemens qu’elle produit, guérissent en peu de tems le Scorbut de Mer. En vertu d’une expérience, tant de fois renouvellée, nous espérions que les, malades, que le grand air n’avoit point tués, et qui étoient parvenus en vie dans les Tentes, ne tarderoient рas longtems à recouvrer leur santé et leurs forces : mais à notre grand regret, il s’écoula près de vingt jours après leur débarquement, avant que la mortalité cessat à peu près, et les dix ou douze premiers jours nous n’en enterrames par jour guère moins de siх, et plusieurs, qui restèrent en vie, se rétablirent très lentement. A la vérité, ceux qui s’étoient trouvés passablement bien au sortit du Vaisseau, et qui pouvoient se trainer autour de leurs Tentes, furent bientôt remis ; mais à l’égard du-reste le mal parut invétéré et opiniâtre à un point presque incroyable.

Avant de poursuivre le récit de nos avantures, il ne sera pas mal-à-propos d’insérer ici une description un peu détaillée de l’Ile de Juan Fernandez, en marquant sa situation, ses productions, et ses différentes commodités. Nous eumes occasion d’aquérir des lumières à tous ces égards, durant le séjour de trois mois que nous y fimes ; et comme c’est le seul bon endroit dans ces Mers, où des Armateurs Anglois puissent trouver quelques rafraichissemens pour leur monde, après avoir fait le tour du Cap Horn, et où il leur soit possible de rester quelque tems à l’insçu des Espagnols, ces avantages seuls justifient suffisamment le détail où nous allons entrer. Constamment animé du désir d’être utile aux Vaisseaux de sa Nation, qui pourroient à l’avenir se trouver dans ces Mers, Mr. Anson fit examiner avec un soin tout particulier les Rades et les Côtes de cette