Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/158

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dant tout le tems qu’ils sont à terre, vivent de l’herbe qui croît sur les bords des еaux courantes, et le tems qu’ils ne paissent pas, ils l’employent à dormir dans la fange. Ils paroissent d’un naturel for pesant et sont difficiles à réveiller, mais ils ont la précaution de placer des mâles еn sentinelle autour de l’endroit où ils dorment, et ces sentinelles ont grand soin de les éveiller dès qu’on approche seulement de la herde. Ils sont fort propres à donner l’alarme, leur cris étant fort bruiant et de tons fort différens ; tantôt ils grognent comme des Pourceaux, et d’autrefois ils hennissent comme les Chevaux les plus vigoureux. Ils se battent souvent ensemble, sur-tout les mâles, et le sujet ordinaire de leurs querelles ce sont les femelles : nous fumes un jour surpris à la vue de deux de ces Animaux, qui nous parurent d’une espèce toute nouvelle, mais en approchant de plus près, nous trouvames que c’étoient deux mâles, défigurés par les blessures qu’ils s’étoient faites à coups de dents, et par le sang dont ils étoient couverts. Le Bacha, dont j’ai parlé, n’avoit aquis son Serrail nombreux, et sa supériorité sur les autres mâles, que par ses victoires, et on pouvoit juger du nombre et de la grandeur de ses combats, par les cicatrices dont tout son corps étoit couvert. Nous tuames quantité de ces Animaux, pour en manger la chair, et sur-tout le cœur et la langue, que nous trouvions préférables à celle de Bœuf. Il est très facile de les tuer, car il sont presque également incapables de se défendre et de s’enfuir ; il n’y a rien de plus lourd que ces Animaux, et au moindre mouvement qu’ils font, on voit leur graisse molasse flotter sous leur peau. Cependant il faut se donner de garde de leurs dents, et il arriva à un de nos Matelots, dans le tems qu’il étoit tranquillement occupé à écorcher un jeune Lion marin, que la mère de cet Animal se jetta sur lui sans qu’il l’apperçût, et lui prit la tête dans sa gueule. La morsure fut telle que le Matelot en eut le crane fracassé en plus d’un endroit, et quelques soins qu’on pût en prendre, il mourut peu de jours après.

Voila les principaux Animaux qu’on trouve dans cette île. Nous y vimes peu d’Oiseaux, et il n’y a guère que des Faucons, des Merles, des Hiboux, et des Colibris. Nous n’y vimes point de Pardelas, ou Damiers qui se creusent des trous en terre, et que d’autres disent y avoir vus : mais nous y trouvames plusieurs de leurs trous, et nous jugeames que les Chiens les avoient détruits. C’est ainsi qu’ils ont traité les Chats, qui abondoient dans cette Ile du tems de Selkirk, et dont nous n’avons vu qu’un ou deux pendant notre séjour en cet endroit. I1 n’en est pas de même des