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trente personnes. De ce nombre, il en mourut plus de trente durant leur séjour en cet endroit ; près de quatre-vingts tirèrent vers le Sud, dans la Chaloupe et le Canot ; et il ne resta après leur départ que dix-neuf personnes avec le Capitaine ; c’en étoit bien assez pour remplir le Yol et le Bateau à rame, les seuls bâtimens qu’on leur eût laissés. Ce fut le 13 d’Octobre, cinq mois après le naufrage du Vaisseau, que partirent ceux qui tirèrent vers le Sud, en prenant congé par trois saluts de la voix, du Capitaine qui étoit sur le rivage, avec Mr. Hamilton, Lieutenant dans les Troupes de débarquement et le Chirurgien. Ces Mutins n’arrivèrent à Rio Grande, dans le Brézil, que le 29 de Janvier. Ils laissèrent une vintaine des leurs en différens endroits où ils touchèrent ; et la misère leur en ayant enlevé encore plus sur la route, ils étoient réduits à trente hommes, lorsqu’ils arrivèrent dans ce Port. C’est ce qui ne paroitra pas surprenant si l’on fait attention à la hardiesse de leur entreprise : sans par1er de la longueur du Voyage, leur Bâtiment étoit à peine assez grand pour les contenir tous, le peu de provisions qu’ils avoient pu sauver du naufrage du Vaisseau ne leur suffisoit pas à beaucoup près, et le seul Canot qu’ils eussent, et qu’ils tiroient en ouaiche, se détacha et périt, de sorte que manquant de provisions et d’eau, il leur étoit souvent impossible de descendre à terre, pour y en chercher.

Dès que ces gens furent partis, le Capitaine proposa à ceux qui étoient restés avec lui de mettre en Mer avec le Jol et le Bateau à rame, pour gagner vers le Nord ; mais le tems fut si rude, et la difficulté de se pourvoir de provisions étoit si grande, qu’il se passa encore deux mois avant qu’ils puissent partir. Il paroit que l’endroit où les jetta le naufrage de leur Vaisseau, n’est pas une partie du Continent, comme ils l’avoient d’abord cru, mais une Ile qui en est à quelque distance, et où l’on ne trouve rien autre chose que des coquillages, et quelques herbages. Ceux qui avoient abandonné le Capitaine avoient emporté la plus grande partie des provisions, qu’on avoit pu sauver du naufrage, ainsi le Capitaine et ceux qui étoient avec lui, se trouvoient souvent réduits à de grandes nécessités ; car ils étoient résolus de conserver le peu de provisions qu’ils avoient, pour leur voyage. Durant leur séjour dans cette Ile, que les Matelots nommèrent l’Ile du Wager, ils virent de tems en tems un ou deux Canots d’Indiens, qui y abordèrent et troquèrent avec nos gens quelques Poissons et autres vivres. Ces rafraichissemens eussent peut-être été plus abondans dans une autre saison ; car il y avoit