Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/247

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tinuames notre route, bien persuadés que поus serions plus heureux le lendemain matin. A dix heures du soir, nous découvrimes une lumière à Bas-bord et vers l’avant de notre Vaisseau au N. N. E. La Prise du Tryal, qui étoit environ un mille devant nous, fit signal en même tems, qu’elle voyoit une Voile, et comme aucun de nous ne doutoit que ce que nous voyions ne fût la lumière d’un Vaisseau, nous crumes surement que c’étoit le Galion, objet de toutes nos espérances. Ce qui augmentoit encore notre joye, c’étoit d’en trouver deux au lieu d’un ; car nous posames pour certain, que ce que nous voyions étoit le fanal qu’un de ces Vaisseaux portoit au haut du Mât, pour guider l’autre. Nous laissames aller d’abord le Carmélo, et forçames de Voiles, donnant en même tems le signal au Gloucester, pour en faire de même. Nous donnames chasse à cette Lumière, ayant tout notre Monde posté pour le combat que nous attendions en moins de demi-heure ; car nous ne nous faisions qu’à un mille du Vaisseau sur lequel nous portions ; quelquefois même nous nous en croyions à la portée du Canon ; et plusieurs de nos Gens assuroient qu’ils en discernoient déja les Voiles. Le Commandeur lui-même étoit si persuadé que nous serions bientôt côte à côte du Vaisseau ennemi, qu’il fit appeller son premier Lieutenant, qui commandoit entre les Ponts, et lui ordonna de faire charger tous nos gros Canons de deux boulets, pour la première bordée, et ensuite d’un boulet et d’une grappe de balles, lui enjoignant bien expressement de ne pas permettre qu’on tirât un seul coup, que lui, Commandeur, n’en donnât l’ordre, et il l’avertit que ce ne seroit que lorsqu’on seroit à la portée du Pistolet de l’Ennemi. Nous passames ainsi toute 1a nuit dans l’attente la plus vive, et dans la ferme persuasion qu’en moins d’un quart d’heure nous nous verrions aux prises avec le Galion, et peu après maîtres de lui et de son Compagnon, dont nous nous plaisions à multiplier les Millions. Mais au lever de l’Aurore, nous fumes cruellement surpris de voir, à n’en pouvoir douter, que cette fatale lumière étoit un feu allumé sur la Côte ; et еп vérité toutes les circonstances de notre erreur sont à peine croyables ; car par le cours que nous fimes durant la nuit, et l’éloignement où nous nous trouvames le matin du Rivage, il est certain que ce feu, quand nous le découvrimes étoit à plus de vingt-cinq lieues de nous : et cependant il n’y eut pas un homme à bord qui doutât que ce ne fût la lumière d’un Vaisseau à une fort petite distance. A la vérité ce feu étoit au sommet d’une fort haute Montagne, et dura pendant plusieurs jours ; ce n’étoit pourtant pas un