Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/309

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pes, occupées à faire la descente. D’ailleurs il y a plusieurs endroits sur cette Côte, où on trouve un bon ancrage, avec une grande profondeur d’eau, à la longueur d’un cable du rivage, et où notre Canon eût pu fouetter sur la plaine, à plus d’un mille du bord de la Мег, et eût bien empêché les Forces des Espagnols de s’y rassembler, pour s’opposer à notre descente. Il y a un endroit pareil entre autres, qui n’est qu’à deux lieues de Lima ; desorte que nous aurions pu arriver à cette Ville quatre heures après avoir été découverts en Mer. Cet endroit est à deux lieues au Sud de Callao, justement au Nord de la Pointe, nommée dans la Carte que Frézier nous a donnée de cette Côte, Morro Solar. On y a soixante à quatre-vingts brasses d’eau, à deux cables du rivage ; et les Espagnols connoissoient si bien la facilité, que nous aurions trouvée à y faire descente, qu’ils avoient projetté d’y bâtir un Fort, sur le bord de la Mer ; mais la Caisse Royale étoit vuide, et tout ce qu’ils purent faire fut d’y tenir une Garde de cent Cavaliers, qui ne pouvoient leur être d’aucun autre avantage, que de les avertir de bonne heure de notre arrivée. A la vérité, beaucoup de gens de de ce Païs, nous croyant des Marins aussi timides qu’eux, soutenoient qu’il n’y avoit rien à craindre, et que le Commandeur n’oseroit jamais mener ses Vaisseaux dans cet endroit de peur que ses ancres ne pussent y tenir, attendu la grande profondeur de l’eau.

Qu’on ne s’imagine pas que je m’abandonne à des idées romanesques et fanfaronnes, lorsque je suppose que mille à quinze cens de nos Gens, bien menés, fussent un Corps redoutable, pour quelques Forces que les Espagnols pussent rassembler dans l’Amérique Méridionale. Sans rappeller les expériences que nous fimes de leur valeur à Paita et à Pétaplan, il faut remarquer que Mr. Anson avoit eu un soin extrême de faire exercer ses Gens, et en avoit fait d’excellens Fuziliers ; au-lieu que les Espagnols de ces Quartiers sont très mal adroits dans le maniment des armes à feu, dont ils étoient d’ailleurs très mal pourvus. Il est vrai que la Cour d’Espagne, après plusieurs représentations, avoit ordonné qu’on chargeât quelques milliers de fuzils sur l’Escadre de Pizarro ; mais ils seroient arrivés trop tard pour pouvoir servir contre nous. Ainsi, en fait d’armes, et d’art à s’en servir, nous aurions presque eu le même avantage sur les Espagnols, qu’ils eurent sur les Amériquains, lorsqu’ils abordèrent pour la prémière fois dans leur Païs.