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longtems le Gloucester fit prendre la résolution au Commandeur de sauver au moins l’Equipage de ce Vaisseau. Il n’y avoit pas d’autre parti à prendre : tous nos efforts pouvoient à peine suffire à franchir notre propre Vaisseau, et nous avions nous-mêmes besoin de secours, bien loin d’en pouvoir donner. Comme il faisoit alors peu de vent, Mr. Anson ordonna au Capitaine Mitchel d’envoyer son Monde à bord du Centurion, sans perdre de tems, et de faire tirer de son Vaisseau les provisions qui seroient à la main, aussi longtems qu’on pourroit empêcher le Gloucester d’aller à fond. Et comme notre voie d’eau n’exigeoit pas les mêmes soins, pendant que le tems restoit favorable, nous envoyames nos Chaloupes avec tout le monde, dont nous n’avions pas absolument besoin, pour aider le Capitaine Mitchel.

Nous mimes deux jours entiers à transporter à notre bord l’Equipage du Gloucester et les vivres, qui étoient le plus à portée. Le Commandeur auroit fort souhaité qu’on eût pu en tirer deux cables et un ancre, mais le Vaisseau étoit si agité, et le monde si épuisé de fatigue, que la chose se trouva impossible ; ce ne fut même qu’avec des peines infinies qu’on fît passer à bord du Centurion l’argent que le Gloucester avoit aquis dans la Mer du Sud ; mais les marchandises de prix, dont la valeur montoit à plusieurs milliers de livres sterling, et qui appartenoient principalement au Centurion, furent perdues. Toutes les provisions qu’on sauva, se réduisoient à cinq tonneaux de farine, dont trois étoient gâtées par l’eau de la mer. Les Malades, dont le nombre montoit presque à soixante-dix, furent transportés dans la Chaloupe avec tout le soin, que les circonstances purent permettre ; cependant trois ou quatre hommes moururent dans le tems qu’on les hissoit pour les faire entrer dans le Centurion, Ce ne fut que le soir du 15 d’Aout qu’on acheva de tirer du Gloucester tout ce qu’on pouvoit en sauver. Le fond de cale étoit plein d’eau, et suivant toutes les apparences le Vaisseau devoit bientôt être englouti dans la mer ; cependant comme, au jugement des Charpentiers, il auroit pu flotter encore sur l’eau quelques jours, à cause que le tems étoit calme, et la mer assez unie, on y mit le feu, car nous ignorions à quelle distance nous pouvions être de l’Ile de Guam, qui étoit au pouvoir de nos Ennemis ; et le corps d’un pareil Vaisseau n’auroit pas été pour eux un méprisable butin. Le Gloucester bruloit déja quand le Capitaine Mitchel et les Officiers le quittèrent pour se rendre à bord du Centurion ; et nous nous en éloignames aussitôt, non sans crainte que si ce Vaisseau sautoit