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été obligés d’abandonner leur patrie et leur ancienne manière de vivre. Et il faut avouer, qu’indépendamment de l’amour que tous les Hommes ont pour leur terre natale, il y a bien peu de Païs au monde, qui méritent autant d’être regrettés que Tinian.

Ces pauvres Indiens auroient pu naturellement se promettre, que placés à une si grande distance des Espagnols, ils n’éprouveroient pas les effets du pouvoir de cette superbe Nation ; mais il semble que leur éloignement n’a pu les garantir de la destruction presque générale du nouveau Monde, tout l’avantage, que leur situation leur a procuré, se réduisant à être exterminés un siècle ou deux plus tard que les autres. On pourroit peut-être révoquer en doute que le nombre des Insulaires, qui ont passé de Tinian à Guam, et qui y sont morts de chagrin, ait été aussi considérable que nous l’avons marqué ci-dessus ; mais pour ne rien dire du témoignage unanime de nos Prisonniers, et de la bonté de l’Ile, nous ajouterons simplement, qu’on trouve en divers endroits de Tinian des ruines, qui prouvent suffisamment, que le Païs doit avoir été fort peuplé ; ces ruines consistent presque toutes en deux rangs de Piliers, de figure piramidale, et ayant pour base un quarré. Ces Piliers sont l’un de l’autre à la distance d’environ six pieds, et le double de cet espace sépare ordinairement les rangs. La base des Piliers a autour de cinq pieds en quarré, et leur hauteur est d’environ treize pieds : sur le sommet de chaque Pilier est placé un demi-Globe, la surface platte en dessus. Les Piliers et les demi-Globes sont de sable et de pierre cimentés ensemble, et recouverts de plâtre. On en concevra plus aisément la figure en jettant les yeux sur la vue de l’Aiguade, où une de ces ruines est désignée par la lettre (a). En supposant la vérité du récit que nos Prisonniers nous firent touchant ces restes de Bâtimens, l’Ile doit avoir été fort peuplée ; car, suivant eux, ces Piliers avoient appartenu à des Monastères d’Indiens ; et la chose nous parut d’autant plus vraisemblable, qu’on trouve parmi les Payens plusieurs institutions de ce genre. Quand même ces ruines seroient des restes des maisons ordinaires des Habitans, il faut que le nombre de ces derniers ait été très grand, toute l’Ile étant presque parsemée de ces Piliers.

La quantité et la bonté des Fruits, et en général, des Vivres qu’on trouve dans cette Ile, la beauté de ses Plaines, la fraîcheur de ses Bois- qui exhalent une odeur admirable, l’inégalité avantageuse de son terrain, et l’agréable diversité de ses vues, font des articles que j’ai déja parcourus. J’ajouterai ici, que tous ces avantages sont encore grandement aug-