Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/341

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devint moins fort, mais la tempête ne diminua point ; desorte qu’à onze heures, le cable de notre seconde ancre se rompit. On jetta aussitôt la maîtresse ancre, la seule qui nous restât, mais avant qu’elle touchât le fond, nous fumes emportés de vingt et deux brasses de profondeur sur trente et cinq ; et après que nous eumes lâché un cable entier, et les deux tiers d’un autre, nous ne trouvames point de fond avec une ligne de sonde de soixante brasses : c’étoit une marque indubitable, que l’ancre étoit à l’extrémité du banc, et qu’elle ne tiendroit pas longtems, quand même elle auroit pris. Dans un si pressant danger Mr. Saumarez, notre premier Lieutenant, qui commandoit usuellement à bord, eut recours aux signaux de détresse, en faisant tirer des coups de Canon, et mettre des feux, pour avertir le Commandeur du danger qui nous menaçoit. Environ à une heure après minuit, un terrible coup de vent, accompagné de pluie et d’éclairs, nous fit quitter le banc, et nous jetta en Mer. Notre situation étoit effrayante et triste à plus d’un égard. D’un côté, il faisoit une nuit noire, et l’orage sembloit redoubler ; et de l’autre, nous laissions dans l’Ile Mr. Anson avec plusieurs de nos Officiers, et une grande partie de notre Equipage, faisant cent treize personnes en tout. Notre perte leur ôtoit tout moyen de sortir de l’Ile : et pour nous, trop foibles pour lutter contre la fureur de la Mer et des vents, nous regardions chaque moment comme devant être le dernier de notre vie.