Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/390

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Armes à feu. C’étoit un usage qu’il avoit observé, pendant tout le voyage, dès que l’occasion l’avoit permis ; et l’avantage qu’il en retira dans son combat contre le Galion, le dédommagea amplement des peines qu’il s’étoit données à cet égard. On ne peut douter que ce soin ne soit un des plus importans devoirs d’un Commandant, quoique trop souvent négligé. Car il faut avouer, que de deux Vaisseaux de guerre égaux en nombre d’Hommes et de Canons, la différence qui vient du plus ou du moins d’habileté, dans l’usage du Canon et de la Mousquetterie, est telle qu’elle peut difficilement être balancée par quelque autre circonstance que ce soit. Ce sont au bout du compte, ces Armes qui décident du combat, et quelle inégalité ne doit-il pas y avoir entre deux partis, dont l’un sait se servir de ses Armes, de la manière la plus destructive pour son Ennemi ; et dont l’autre, en employant les siennes mal adroitement, les rend presque aussi dangereuses pour lui-même, que pour ceux qu’il a en tête ? Cela paroit si clair, que tout Homme qui ignore comment les choses se font d’ordinaire, croira que le prémier soin d’un Commandant est toujours celui d’exercer ses Gens au maniment des Armes.

Mais on se laisse rarement guider par les seules lumières du bon sens. Trop d’autres causes concourent, à former les motifs de nos actions. Il y en a une sur-tout qui, quoique souvent aussi ridicule que nuisible, influe dans les délibérations les plus sérieuses ; je veux dire la coutume, ou l’usage de ceux qui nous ont précédés. La coutume, est trop puissante pour la raison ; elle est même d’autant plus redoutable, à ceux qui la veulent braver, qu’il y a quelque chose dans sa nature de senblable à celle de la superstition, et qu’elle poursuit avec une haine implacable quiconque ôse révoquer son autorité en doute. Il faut cependant, convenir que depuis quelque tems, on lui a enlevé quelques-unes de ses prérogatives ; et il faut espérer que nos marins, qui savent combien leur Art est redevable à plusieurs inventions nouvelles, seront plus disposés, que d’autres, à abandonner des pratiques, qui n’ont de fondement que l’usage, et voudront bien douter que chaque branche de leur métier ait atteint toute la perfection dont elle est capable. Il est certain que, si l’exercice du fusil, par exemple, n’a pas été toujours porté, sur nos Vaisseaux de guerre, au point qu’il auroit été à souhaiter, cela vient plutôt de la manière dont on s’y est pris, pour l’enseigner, que de négligence. Les Matelots, quoiqu’assez sottement esclaves de leurs préjugés, sont fort clairvoyans pour les défauts des autres, et ont toujours regardé avec beau-