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toutes sortes de droits, et dit que les droits de l’Empereur devoient être payés, par quelque Vaisseau que ce fut, qui relâchoit dans ses Ports : il y a apparence, qu’à cette occasion, il défendit en particulier au Pilote Chinois, de conduire les deux Vaisseaux, au-delà de Bocca Tigris ; et à ce propos, il convient de décrire ce Détroit.

Bocca Tigris est un passage, qui n’a guère qu’une portée de fusil de largeur ; il est formé par deux Pointes de terre, sur chacune desquelles il y a un Fort. Celui de Stribord n’est proprement qu’une Batterie, au bord de l’eau, avec dix-huit embrasures : mais il n’y avoit que douze Canons de fer, de quatre ou six livres de balle. Le Fort de Bas-bord resssemble assez à un de ces grands Châteaux à l’antique ; il est situé sur un Rocher élevé, et il ne nous parut muni que de huit ou dix Canons, de six livres de balle, au plus. Voila toutes les Fortifications qui défendent l’entrée de la Rivière de Canton, et tout ce que l’habileté des Chinois dans l’Art militaire à pu inventer, pour empêcher un Ennemi de forcer ce passage.

On voit bien par cette description, que Mr.Anson ne pouvoit être arrêté par ces Forts, quand même ils eussent été parfaitement fournis de Munitions et de Canoniers : aussi, quoique le Lamaneur refusât de conduire le Vaisseau, depuis que l’Officier Chinois y eut été ; comme le mauvais tems qu’on attendoit, rendoit tout délai dangereux, le Commandeur fit lever l’ancre, le 15, et ordonna au Lamaneur de le conduire entre les Forts, le menaçant, s’il arrivoit que le Vaisseau touchât, de le faire pendre au bout de la Vergue. Cet homme, intimidé par ces menaces, fit ce qu’on lui ordonnoit, et conduisit le Vaisseau au-delà du Détroit, sans que les Forts fissent mine d’y apporter aucun obstacle. A la vérité le pauvre Lamaneur n’échapa pas au châtiment de la part des Chinois, dès qu’il descendit à terre, il fut mis en prison, et reçut un bon nombre de coups de Bambou. Il trouva moyen, dans la suite, d’aborder Mr. Anson, et lui demanda quelque récompense du châtiment qu’il avoit essuié, pour son service, et dont il portoit encore les marques très visibles. Mr. Anson en eut pitié, et lui donna plus d’argent qu’il n’en falloit à un Chinois, pour affronter une douzaine de bastonnades.

Ce Pilote ne fut pas la seule personne, qui souffrit à cette occasion ; le Commandeur, peu de tems après, vit passer quelques Jonques de l’Empereur, qui remontoient de Bocca Tigris, vers Canton, et s’informant du sujet de leur voyage, il apprit que le Mandarin, qui avoit commandé,