Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/425

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bles. Depuis bien des siècles tous leurs Voisins ont l’usage de l’Ecriture par Lettres, les seuls Chinois ont négligé jusqu’à présent de se procurer les avantages de cette invention divine, et sont restés attachés à la méthode grossière de représenter les mots par des caractères arbitraires. Cette méthode rend nécessairement le nombre des caractères trop grand pour quelque mémoire que ce soit ; elle fait de l’Ecriture un Art qui exige une application infinie, et où un homme ne peut jamais être que médiocrement habile : tout ce qui a jamais été ainsi écrit ne peut qu’être enveloppé d’obscurité et de confusion ; car les liaisons entre tous ces caractères, et les mots qu’ils représentent, ne peuvent être transmis par les Livres, il faut de toute nécessité qu’ils ayent passé d’âge en âge par la voye de la Tradition, et cela seul suffit pour répandre une très grande incertitude sur des matières compliquées et sur des sujets d’une grande étendue : il ne faut, pour le sentir, que faire attention aux changemens que souffre un fait qui passe par trois ou quatre bouches. Il s’en suit delà que le grand savoir, et la haute antiquité de la Nation Chinoise ne peuvent à plusieurs égards, qu’être très problématiques.

A la vérité quelques-uns des Missionnaires Catholiques Romains avouent que les Chinois sont fort inférieurs aux Européens, en fait de Sciences, mais en même tems, ils les donnent en exemple de Justice et de Morale, tant dans la théorie, que dans la pratique. A entendre ces bons Pères, le vaste Empire de la Chine n’est qu’une Famille, bien gouvernée, unie par les liens de l’amitié la plus tendre, et où on ne dispute jamais que de bonté et de prévenance. Ce que j’ai rapporté ci-devant de la conduite des Magistrats, des Marchands et du Peuple de Canton, est plus que suffisant pour réfuter toutes ces fictions de Messieurs les Jésuites : et pour ce qui regarde la Morale théorétique des Chinois, on en peut juger par les échantillons, que ces Missionnaires eux-mêmes nous en ont donnés. Il paroit que ces prétendus Sages ne s’amusent qu’à recommander un attachement assez ridicule à quelques points de Morale peu importans, au lieu d’établir des principes, qui puissent servir à juger des Actions humaines, et de donner des règles générales de conduite d’homme à homme, fondées sur la raison et sur l’équité. Tout bien considéré, les Chinois sont fondés à se croire supérieurs à leurs Voisins, en fait de Morale, non sur leur droiture, ni sur leur bonté, mais uniquement sur l’égalité affectée de leur extérieur, et sur leur attention extrême à réprimer toutes marques extérieures de passion et de violence. Mais l’Hypocrisie et la fraude ne