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portoient le Cap au vent, le Guipuscoa, l’Hermione et l’Espérance furent séparé de l’Amiral ; et le 6 de Mars suivant, le Guipuscoa fut séparé des deux autres. Le 7, qui fut le lendemain du jour que nous passames le Détroit de Le Maire, il vint une furieuse tempête du N.O., laquelle, en dépit de tous les efforts des Matelots, chassa toute l’Escadre du coté de l’Est, et l’obligea, après plusieurs tentatives inutiles, à prendre le chemin de la rivière de la Plata, où Pizarro arriva vers la Mi-Mai, et fut joint peu de jours après par l’Espérance et le St. Etienne. On croit que l’Hermione doit avoir péri en mer, car on n’en a eu depuis aucune nouvelle : le Guipuscoa échoua sur la côte du Brézil et coula à fond. Les maux de tous les genres que cette Escadre éprouva dans cette malheureuse Navigation, ne peuvent être comparés qu’à ceux que les mêmes tempêtes nous firent essuyer dans le même climat. Il y eut à la vérité entre nos infortunes quelque différence, mais telle cependant qu’il seroit difficile de décider quelle des deux situations étoit la plus digne de pitié. Car aux malheurs qui nous étoient communs, comme des Agrés endommagés, des navires qui faisoient eau, et les fatigues, aussi que le découragement, qui accompagnent nécessairement de pareils désastres, se joignit encore sur notre Escadre une maladie destructive et incurable, et sur celle des Espagnols une cruelle Famine. Ces derniers, soit par la précipitation de leur départ, et dans l’espérance de trouver des vivres à Buenos Ayres, soit par quelque autre motif plus difficile à deviner, étoient partis d’Espagne, comme nous l’avons déjà observé, n’ayant de provisions à bord que pour quatre mois, et cela encore en les bien ménageant. Ainsi quand les tempêtes, qu’ils essuyèrent à la hauteur du Cap Horn, les contraignirent à tenir la mer un mois ou plus au delà de leur attente, il se virent réduits à de si tristes extrémités, que des rats, quand on avoit le bonheur d’en prendre, se vendoient quatre écus pièce ; et qu’un Matelot, cacha pendant quelques jours la mort de son frère, et resta, durant ce tems, dans le même branle avec le cadavre, dans l’unique vue de profiter de la pitance du défunt. Dans une si affreuse situation, et qu’ils ne soupçonnoient guère pouvoir devenir plus terrible, ils découvrirent une conspiration formée par les Soldats de Marine du Vaisseau Amiral. Un projet si désespéré leur avoit été suggéré principalement par l’excès de la misère qu’ils souffroient : car quoique les conspirateurs ne se proposassent pas moins que de massacrer les Officiers et tout l’Equipage, le but de