Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/56

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dont il y en eut plus de vingt tués d’un seul coup, et le reste mis hors de combat. Plusieurs Officiers, dès le commencement du tumulte, gagnèrent la chambre du Capitaine, où ils éteignirent la lumière, et barricadèrent la porte. Quelques-uns de ceux, qui avoient eu le bonheur d’échapper aux premiers effets de la fureur des Indiens, tâchèrent de gagner le Château de proue en se glissant le long des Couroirs ; mais les quatre Indiens, qui s’étoient postés là à dessein, les massacrèrent presque tous au passage, ou les forcèrent à se précipiter des Couroirs dans le corps du Vaisseau, d’autres y sautèrent d’eux-mêmes par dessus la balustrade, et se crurent très heureux de pouvoir se cacher parmi le bétail ; mais la plus grande partie se sauva dans les haubans du grand mât, et se cacha sur la hune, ou entre les agrés. Quoique les sept Indiens n’eussent fait leur attaque que sur le demi-pont, ceux qui étoient de garde au Château de proue, se voyant coupés, et saisis de crainte à la vue des blessures de ceux qui s’étoient coulés le long des Couroirs, perdirent d’autant plus espérance, qu’ils ignoroient qui étoient les attaquans, et en quel nombre.Ainsi ils gagnèrent tous, dans la dernière confusion, les funins de la Misaine et du Beaupré.

Les onze Indiens avec une intrépidité, dont il n’y a peut-être point d’exemple dans l’Histoire, s’étant rendus maîtres, en moins de rien, du demi-pont d’un Vaisseau, monté de soixante-six pièces de Canon, et de cinq cens hommes, conservèrent assez longtems ce poste. Car les Officiers, qui s’étoient retirés dans la chambre du Capitaine, parmi lesquels se trouvoient Pizarro et Mindinuetta, l’Equipage entre les ponts, et ceux qui s’étoient sauvés sur la hune ou entre les agrés, ne songèrent, d’abord qu’à leur propre conservation ; et il se passa même un tems assez considérable avant qu’ils pensassent aux moyens de se remettre en possession du Vaisseau. Les cris des Indiens, les plaintes des blessés, et les clameurs confuses de l’Equipage, causoient une frayeur, que l’obscurité de la nuit, et l’ignorance où ils étoient touchant les forces de leur ennemi, augmentoient considérablement. Les Espagnols savoient qu’une partie de ceux, qui étoient à bord, ne faisoit le voyage qu’à contre-cœur, et que leurs prisonniers avoient été traités trop cruellement pour n’en раs tirer vengeance, si la chose étoit possible. Ainsi ils crurent la conspiration générale, et se comptèrent perdus sans ressource. Quelques-uns même voulurent se jetter dans la mer ; mais leurs Camarades les en empêchèrent.

Après que les Indiens eurent entièrement nettoyé le demi-pont, le