Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/72

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neur. Du tems de Frézier et de Shelvocke, cette Ile ne servoit de retraite qu’à des Vagabonds et à des Bannis, qui s’y sauvoient de différens endroits du Brézil. Ils s’avouoient bien Sujets de la Couronne de Portugal, et avoient parmi eux quelqu’un qu’ils nommoient leur Capitaine, et qu’ils regardoient en quelque sorte comme leur Gouverneur ; mais leur dépendance du Roi, aussi bien que leur obéïssance au Capitaine, nе les obligeoient presque à rien. Car par cela même qu’ils avoient grande abondance de provisions, mais point d’argent, ils pouvoient subsister sans aucun secours de la part des Colonies d’alentour, et n’avoient pas de quoi tenter la cupidité de quelque Gouverneur voisin, et lui inspirer l’envie de les soumettre à son autorité. Ainsi leur situation les rendoit fort Hospitaliers envers les Vaisseaux étrangers, qui abordoient à leur Ile. Ces Vaisseaux manquoient simplement de vivres dont ces Insulaires étoient bien pourvus ; ces derniers manquoient d’habits, et en recevoient en échange pour des provisions ; car pour de l’argent ils ne s’en soucioient pas. Tout le monde trouvoit son compte à cette espèce de trafic, et leur Capitaine ou Gouverneur n’avoit ni droit ni intérêt d’empêcher ce troc, ou de le charger de quelque taxe. Mais depuis peu, pour des raisons qui seront indiquées dans la suite, ces honnêtes Bandits ont été contraints de voir ériger parmi eux une nouvelle Colonie, et de se soumettre à de nouvelles Lois et un autre Gouvernement. Au-Lieu de leur Capitaine couvert de haillons et à pieds nuds, dont ils avoient trouvé le secret de conserver l’innocence, ils ont à présent l’honneur d’être gouvernés par Don Jose Sylva de Paz, Brigadier des Armées du Roi de Portugal. Cet Officier a sous ses ordres une Garnison de Soldats, et par conséquent est en état de se faire craindre plus qu’aucun de ses Prédécesseurs ; et comme il est mieux habillé, qu’il vit plus magnifiquement, qu’il connoit mieux la valeur de l’argent que les habitans n’auroient pu souhaiter ; il employe aussi pour en acquérir des moyens dont ils n’ont jamais eu la moindre idée. Il y a quelque lieu de douter que les habitans regardent ces moyens comme avantageux pour eux-mêmes, ou pour le Roi de Portugal. Ce qu’il y a de certain, c’est que ses manières d’agir ne peuvent que causer beaucoup d’embaras aux Vaisseaux Anglois qui relachent à l’Ile de Ste. Catherine avant de se rendre dans la mer du Sud. Car une de ses finesses consiste à placer ça et là des Sentinelles pour empêcher les habitans de nous vendre quelques rafraichissemens, à moins qu’ils ne le fassent à un prix si exorbitant, qu’il y auroit de la folie à le donner. Pour colorer ce pro-