Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/117

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loin, plus loin de son âme scintillante et folle que lorsqu’elle suivait en bonne santé les vieilles rues de Silverton. Une salle d’hôpital n’était pas Londres, fût-elle située au centre de la ville, pas plus qu’une prison, un couvent ou tout édifice dont on avait, ouvertement ou de façon détournée, fait une cage. Gillian ne pensait pas à tout cela de manière suivie, cohérente, mais la vérité s’était fait jour en elle, et elle savait que si elle épousait le pasteur ou tout autre mari dont sa tante aurait fait choix pour elle, elle serait mise en cage, dût-il l’emmener à Londres. Elle n’avait donc pas le choix : ou elle ferait, comme la Julia du roman, ou alors… ce seraient les Gwlfas.

« Ce sont, réfléchissait-elle, de pauvres vieilles épaves, et tante Émilie est aussi molle qu’un œuf sans coquille. Mais il faut que je reste un peu ici pour apprendre la musique et trouver un moyen d’arriver à Londres. Et je me divertirai un peu avec M.  Gentil… je l’entends d’ici chantant : Elle est la reine du monde… J’écrirai à Robert un de ces jours, je m’achèterai du papier parfumé… peut-être qu’alors il baisera la lettre. »

Mme  Fanteague, entrant avec du pain et du lait, trouva sa nièce lisant consciencieusement la Bible.

— Le premier déjeuner à huit heures tapant, dit-elle. Puis, quand tu m’auras aidée à la cuisine, je t’emmènerai voir la ville, Juliana, et tu pourras acheter un gâteau pour le thé. Et puis, écoute, Juliana, ce qu’il te faut, c’est un peu de plomb dans la tête et te rapprocher de Jésus, et apprendre à dire « n’est-ce pas » au lieu de « s’pas ».

— Oui, ma tante.

Et Mme  Fanteague se retira en spécifiant que la lumière devrait être éteinte dans dix minutes. Gillian ferma la Bible, la mit de côté, tira de sous son