Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/133

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et de détours comme ça. Je me figure qu’on la laissera aux fantômes, pour leur magie.

Robert, qui achevait son déjeuner, voyait la vieille baraque abandonnée aux fantômes, entendait les soupirs et les grognements étranges d’une nuit d’hiver là-dedans, et songeait quelle belle habitation ce serait si elle leur appartenait, à Gillian et à lui. Jamais, supposait-il, en aucun endroit sinon de ce genre — un séjour presque réservé aux fées — Gillian et lui ne pourraient s’aimer sans entraves. Ce serait superbe de la prendre, rieuse ou fâchée, et de partir avec elle pour la vieille auberge, et de dire des paroles magiques. Alors, voyez, la maison et tout appartiendrait aux fées, et elle et lui, seuls entre les humains, y vivraient tranquilles, servant aux elfes de tout petits gobelets de nectar.

— Qu’est-ce qui te fait rire en dedans ? lui demanda sa mère.

— Rien, rien, dit-il, la bouche pleine.

— Quel garçon, ah, quel garçon ! s’écria Jonathan, levant les bras en manière de protestation. Tout le temps à ruminer des idées dans sa tête et distrait comme personne.

Robert se leva brusquement et annonça :

— Je vais prendre un congé samedi, beau-père ; alors, vous aurez l’œil sur les moutons, hein ?

— Que dira le maître ?

— Il dira ce qu’il voudra.

— Où vas-tu garçon ?

— Je vais voir quelqu’un de l’autre côté de la frontière, mère. Vous veillerez sur les agneaux, n’est-ce pas, le temps que je ferai mon affaire ? Et il était parti.

« Après qui en a-t-il, pour s’en aller comme ça, tout seul ? » se demandait sa mère, mais elle savait qu’il ne servirait à rien de l’interroger. Car pas un