Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Fiancée, mère ? répéta Robert, comme un homme qui étouffe à moitié dans une eau profonde.

— Ni fiancée, mon chéri, ni sur le point de l’être. Mais le pauvre monsieur a pris froid et va très mal, et on reproche, semble-t-il, à Mlle Gillian, d’avoir été si entreprenante et de l’avoir entraîné sur l’eau par un grand froid.

— Mais, Dieu vous protège, mère, ce que peut faire une petite mignonne comme Gillian, un grand et fort gaillard doit sûrement en être capable.

— Il n’est ni fort ni jeune, mon garçon, et il faudra faire bien attention à ne pas dire Gillian tout court devant le maître.

Mais Robert, sifflant comme tout un arbre plein d’oiseaux, était sorti sous la pluie qui tombait à torrents. Malgré l’averse qui lui fouettait la figure et les bruyères mouillées qui lui battaient les jambes, et la perspective d’une journée de travail pour un homme qu’il n’aimait pas, il n’en sifflait pas moins tous les airs de Gruffydd qu’il pouvait se rappeler. Il y avait au loin un trou bleu dans le ciel pluvieux, les agneaux faisaient entendre leur voix tremblante avec une jeune ardeur, le printemps était en route et s’attardait seulement un peu sur les montagnes du Sud, et Gillian, Gillian, Gillian n’était pas fiancée.

Robert posa ses mains sur la haute barrière qui séparait les terres des Gwlfas de la lande et, d’un bond, prompt comme l’éclair, la franchit, parce que Gillian était libre, et tout en marchant il composa une petite chanson.

Le printemps sommeille là-bas
dans les montagnes du Sud,
une rose à la bouche,