Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le sexe féminin avait fort peu de pouvoir sur lui. Les femmes ont beaucoup moins d’importance pour les hommes que ceux-ci pour elles. La plupart des hommes se contenteraient d’accomplir leur tâche quotidienne, et même de passer leurs heures de loisir, sans subir aucune espèce d’influence féminine : ils se suffisent à eux-mêmes. Si la femme n’envahissait pas leur solitude, ils seraient quand même parfaitement heureux, mais elle s’y introduit. Elle est poussée à attirer, à séduire, à charmer par un instinct profond qui est parfois en désaccord avec son être intime. Seules tes femmes très exceptionnelles sont capables de vivre satisfaites en dehors de toute atmosphère masculine, alors que l’homme qui ne peut passer la plus grande partie de son existence sans femme est une exception. Ceci, bien entendu, sans parler de l’amour, car le véritable amour entre les sexes est chose extrêmement rare.

Aussi quand Elmer pensa à « tomber amoureux » de Gillian, il ne songeait pas à ce véritable amour, mais à cette fausse lueur, cette « aube irréelle » que l’on prend souvent pour lui. Mais de celle-là même il se méfiait. Il l’avait vue affaiblir les mains de certains hommes au point qu’ils n’étaient plus maîtres de leur bourse. Il l’avait vue diminuer leurs troupeaux et leur basse-cour, rogner leurs terres, faire d’eux la risée de tous. Cela ne ferait pas son affaire. Il réussissait si bien. Le plan de sa vie était tout tracé : il avait ses serviteurs, bien choisis et peu coûteux, il avait ses amusements, ses intérêts, et Gillian Lovekin était en dehors de tout cela, elle troublerait son existence si bien organisée. Elle pouvait lui coûter très cher. S’il flirtait avec elle, il aurait à la sortir, à la promener, à lui faire des cadeaux. S’il s’éprenait d’amour pour elle, elle prendrait place dans ses pensées et l’empêcherait de les concentrer sur