Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/228

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Fringal n’eut pas plus tôt refermé la porte, qu’elle fit en courant le tour de la maison et entra dans l’arrière-cuisine où Ruth repassait. Celle-ci tourna vers l’arrivante ses yeux brillants, d’un air non pas étonné, mais rêveur. Elle donnait toujours l’impression d’être inaccessible à la surprise, impénétrable aux larmes, à la souffrance. Son visage jeune et douloureux contemplait Gillian par-dessus un amas de linge. Sa silhouette maigre, affublée comme toujours d’une robe gris poussière, avec un grand tablier de serpillère, ses cheveux en désordre, ses bras ridés par l’eau du baquet auraient fait d’elle une image saisissante du travail pénible et sans grâce, même si elle avait pu parler, mais le fait de ne pouvoir dire un mot lui donnait quelque chose de tragique. C’était évident, même aux yeux de Gillian qui la regardait sans attention ni sympathie. Elle se détachait en noir sur le mur blanchi à la chaux, le soleil frappait son visage fatigué et ses yeux magnifiques se posaient sur les couleurs vives de Gillian, qui était aussi éclairée par des rayons qui semblaient la couvrir de caresses, bien qu’ils n’en eussent pas pour Ruth. Avec ses joues enflammées par la colère, ses yeux gris étincelants de fureur, sa robe à la teinte chaude, ses chatons jaunes et le cœur de cornaline rouge, elle était vraiment éblouissante sur le fond blanc du mur. Les yeux de Ruth s’attardaient sur elle, l’accueillaient, l’aimaient ; ceux de Gillian étaient remplis de pitié, ceux de Ruth d’adoration.

Elle sourit.

M. Elmer est-il là ? demanda vivement Gillian, souriant elle aussi.

Ruth fit oui de la tête, et quelque chose dans ce signe disait avec quelle tristesse, quelle peine elle était assurée de la présence de son maître.