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SEPT POUR UN SECRET…

Et durant toutes ces journées de printemps, de la façon la plus étrange et la plus mystérieuse, des fils invisibles se tissaient entre la friche sauvage et quatre personnes très différentes. Un fil se reliait à Gillian Lovekin, en sorte que, quand elle passait devant la friche en allant au Repos de la Sirène ou que, le bras d’Elmer autour de sa taille, elle se promenait sur la lande et regardait ses lignes droites et sombres au-dessus de l’eau pâle, elle frissonnait. Un second fil rejoignait la femme muette et la faisait trembler quand elle y ramassait du bois — car on n’en trouvait nulle part ailleurs — et quand elle faisait d’étranges et secrètes courses, dont on entendra parler davantage. Un troisième tenait Elmer, en sorte qu’il avait horreur de cet endroit, comme il l’avait détesté le premier soir où il l’avait vu, détesté tout en se sentant attiré par une curiosité lancinante. Et le quatrième, enfin, ferme et tendu, liait Robert Rideout, réveillait en lui l’impression que quelque chose l’attendait là, dans cette petite bande de friche où l’épine noire tressait sa couronne piquante, où l’eau gémissait et où la neige s’attardait longuement. Quelque chose, une décision importante, un événement qui ferait de lui à jamais un dieu ou une pauvre et misérable créature, se préparait pour lui dans la friche sauvage. Là, comme un pitre lugubre à travers un cerceau couvert de papier, le malheur surgirait soudain. Là, comme dans un rêve, Gillian serait sauvée ou perdue, sauvée ou perdue pour toujours par un sacrifice qu’il aurait, lui, à accomplir. Ce ne serait pas en été… non, en été la friche semblait presque bienveillante. La grande ciguë qui sommeille s’y dressait si haute, si brumeuse, comme une écume pâle ; les églantines blanches aux épines rouge sang formaient des fourrés impénétrables, les sapins rabougris répandaient,