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SEPT POUR UN SECRET…

oh, elle avait des façons fières de temps en temps, mon Esmeralda — et elle murmure : « Enfin, ma faim va mieux. » Je ne comprenais pas. Alors elle dit : « Depuis que je t’ai vu, j’ai eu faim et soif d’aller en enfer pour toi, qu’elle dit, et j’y ai été, ah oui, mais je suis contente. » Est-ce qu’il y a une autre femme pour en dire autant, hein, Rideout ?

— Peut-être bien, une ou deux.

Il pensait à une qui ne voudrait pas… pas encore. Cesserait-elle jamais d’être une fée glacée et demanderait-elle à connaître pour un homme — et pour lequel ? — les tourments de l’enfer ?

— Mon garçon, ne grince pas des dents comme ça, ça porte malheur. Eh bien, la petite grandit et grossit, et c’était le portrait tout craché d’Esmeralda. Ah, bon Dieu, Johnson était un joyeux gaillard dans ce temps-là. Je travaillais ! On ne pouvait pas me fatiguer. Je rentrais le soir et elles étaient là… autant dire des oiseaux dans leur nid. Elle nourrissait sa petite… chez nous on pense que c’est péché de ne pas le faire. Elle la berçait en chantant, et elle prenait tous mes boutons dorés pour les lui coudre sur sa petite robe. Et des dentelles que j’avais prises en échange d’un bidet, au lieu d’argent, elle les lui mit au cou, et puis des boucles dorées à ses souliers. Et, une fois que nous passions par Silverton, il n’y eut rien à faire, je dus acheter à l’enfant un hochet de corail comme en ont les petits lords ou les petites ladies. Car elle disait : « Pour moi, le Bohémien Johnson est le seigneur de la création. » Dieu de Dieu, tout ce qu’elle pouvait dire ! Enfin, en un mot comme en cent, un jour l’enfant a disparu.

— Disparu ?

— Oui, simplement disparu. Esmeralda l’avait laissée dans son berceau près de la roulotte pour aller