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SEPT POUR UN SECRET…

de toute l’acidité voulue. Tout, depuis les corbeilles de pain jusqu’aux baquets de jus et de sauces, dans les terrines, à la vieille mode, était abondant et hospitalier. Il régnait une odeur composite où se mêlaient la viande rouge, le poivre, la brillantine, les fruits cuits, le thym — avec lequel la table était décorée — et le fumier.

Il y avait là un grand nombre de fermiers et quelques-unes de leurs femmes seulement, et on voyait quantité de figures rudes et frustes, visages habitués à affronter la grandeur éternelle des montagnes, visages apaisés par la contemplation continuelle des étangs aux eaux sombres. Quelques-uns étaient magnifiques. Les teints rouges dominaient et les yeux des convives étaient en majorité les yeux noirs et rêveurs des Gallois de la frontière ou les bleus aux regards coléreux des Anglais de l’autre versant. Les femmes regardaient Gillian avec sympathie. Elle était évidemment sortie pour la journée avec son amoureux, toute nouvelle mariée, ou sur le point de l’être, pensaient-elles, en jetant un coup d’œil sur Elmer. On n’aurait guère pu dire, tandis que de leurs dents magnifiques elles consommaient leurs larges platées d’aliments, si elles savaient qu’elles étaient la colonne vertébrale de l’Angleterre. Mais elles avaient conscience, en jouissant de ce jour de congé bien gagné — qui n’était d’ailleurs qu’une journée de travail en robe neuve — de posséder de vastes champs labourés, des foins bien soignés, d’épaisses meules de blé et des vergers bien taillés, sans compter des maisons aux planchers propres avec des berceaux pleins d’enfants. Elles aimaient une nourriture copieuse, de grosses plaisanteries, une justice primitive, une politique sûre et une solide religion.

— On dirait un repas de noce, chuchota Elmer à Gillian.