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SEPT POUR UN SECRET…

fasse pour les en chasser — elles continuaient à se retrouver dans la mansarde de Ruth. La brise fraîche de l’été y pénétrait, chargée de senteurs de foin, de mousse et de fougère. La ferme de Dysgwlfas, en miniature, mais nette, s’offrait à leur vue quand elles levaient les yeux de leur travail. Parfois même, quand le vent était favorable, — elles entendaient avec plaisir le bruit de la machine et les appels, adoucis et abrégés par l’éloignement, de Jonathan, de Robert et de leurs aides en train de charger le foin. Ensuite, les prés se détachaient comme d’immenses plaques de jade sur le fond sombre de la lande. Du bétail y mettait des taches rouges et blanches, ainsi que des moutons dont la toison était éclaircie par la tonte. Les merles se taisaient, les courlis faisaient moins souvent retentir leurs cris d’elfes, et leurs petits, mouchetés, couraient dans la bruyère autour des sources. Les fraises mûrissaient et les revendeurs, qui s’en allaient avec leurs carrioles vides ou les ramenaient pleines, s’arrêtaient devant l’auberge et criaient à Fringal de leur apporter un quart d’ale fraîche.

Elmer s’absentait beaucoup : Isaïe et lui allaient maintenant ensemble aux foires et aux ventes, et « le manteau d’Elie s’étendait sur Élisée ». Elmer jouissait du succès qu’il s’était promis. Les hommes de son âge lui montraient de la déférence, on lui attribuait un peu de l’omniscience d’Isaïe. Le conseil de fabrique s’était réuni et, sur la proposition d’Isaïe, Elmer avait été élu marguillier à sa place. Ainsi Gillian, à la grande satisfaction d’Isaïe, prenait place au second banc à côté de la femme du Recteur. Le soir, Gillian jouait quelquefois du piano, et si, par hasard, Robert passait alors, conduisant une charrette ou le cabriolet, il s’arrêtait, à l’abri derrière la haie, sur le côté de l’auberge, et écoutait