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SEPT POUR UN SECRET…

roue, s’il vous plaît, Madame Elmer. » Mais la fin de la phrase fut prononcée sur un ton si glacial que la volupté du commandement fut bien atténuée.

Dans les derniers temps, les leçons d’écriture avaient fourni de bons prétextes à des ordres, et quand Robert, après s’être informé, disait : « Eh bien, continuez », il passait sur toute la Sirène un tel souffle de contentement que le chat lui-même en était enivré et jouait avec les plumes, l’encre et les cahiers, pour leur plus grand dommage.

Si l’immense et vague Quelqu’un qui avait créé Robert et Gillian et Ruth a en Lui le moindre sens de l’ironie — et ce doit être, puisqu’il a créé aussi Fringal et tout le « fringalisme » du monde — Il devait être bien satisfait de l’aimable comédie de ces départs. Car il y avait là le jouet principal, Isaïe l’omniscient, berné et ridiculisé par sa propre fille et par tous les autres. Et il y avait aussi le jouet prospère, avec son bonheur, tel un fruit nourri de sucs mauvais, mais qui paraissait délicieusement mûr et juteux, bien qu’absolument sec et creux à l’intérieur. Il y avait encore Gillian et Ruth, vivant l’une et l’autre avec l’homme de la Sirène et toutes deux éprises de celui de la ferme. Ruth, la petite bonne à tout faire, avait débuté dans la vie couverte d’or et d’argent, tandis que Gillian, fille d’un père riche, propriétaire de l’auberge, pouvait à tout moment entendre ces mots de Fringal, accompagnés d’un signe de tête vers Ruth : « La patronne d’ici. » Enfin, il y avait Robert, sombre et morose, ayant, sous son chapeau garni d’une plume d’oie, assez de poèmes d’amour passionnés pour conquérir les cœurs d’une demi-douzaine de femmes, et parce qu’une petite paysanne très ordinaire ne lui avouait pas qu’elle l’aimait, ces chansons ne seraient jamais ni lues ni entendues par per-