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SEPT POUR UN SECRET…

Elmer, chanta dans une demi-lumière, à Robert Rideout, berger de son père :


Ô toute petite,
Il ne s’est écoulé qu’un printemps, un automne et un hiver,
depuis que je me suis moquée de ma mère me disant
qu’un jour j’aimerais.
Ô toi,
petite et frêle sur ma poitrine,
prenant tes aises et ton repos,
ô toi, toute petite !
Vois, vois ce que tu as fait !
N’étais-je pas déjà assez affolée d’amour avant
de sentir cette petite tête blottie enfin
contre ma poitrine, ces petits doigts serrés
dans les miens… Mais tu as trouvé une surprise nouvelle

en souriant sur moi avec les yeux de ton père.


Robert était ébloui, aveuglé sur ce qui se passait, par la voix de Gillian, toujours magnifique pour lui, mais en ce moment animée d’un éclat nouveau, de quelque chose qui le bouleversait, l’enflammait, lui faisait chercher un moyen, un artifice quelconque par lequel il pourrait entourer Gillian de ses bras et ne plus jamais la laisser en sortir.

Quand la chanteuse se tut, il resta assis, tête baissée, puis, soudain, se redressa pour aller à elle, et, non moins brusquement, se rassit. Il avait oublié… oublié…

Il regarda Ruth ; elle avait enlevé l’étoffe qui couvrait le tableau noir et écrivait. Quels mots avait-elle tracés et lesquels était-elle en train d’écrire ? Un coup d’œil à la craie qui se mouvait lentement, inexorable comme le Destin, puis il fixa son regard d’abord sur la figure de Fringal, ensuite sur celle de Ralph. Le premier était assis, la mâchoire tombante, raide comme un mort : pour la première fois de sa vie, il avait oublié de rire.