Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

farëes s'agitent en gloussant sur leur perchoir. Poil de Carotte leur crie «  Taisez-vous donc, c'est moi » ferme la porte et se sauve, les bras comme ailés, mais exsangues. Quand il rentre, haletant, fier de lui, dans la cha- leur et la lumière, il lui semble qu'il échange des loques pesantes de boue et de pluie contre un vêtement neuf et léger. Il sourit, se tient droit, se pavane dans son orgueil de héros enfantin, attend les félicitations, et, maintenant hors de danger, cherche sur le visage de ses parents la trace des inquiétudes qu'ils ont eues. Mais grand frère Félix et sœur Ernestine continuent tran- quillement leur lecture, et Madame Lepic lui dit de sa voix naturelle «  Poil de Carotte, tu iras les fermer tous les soirs. » JULES Renard, Poil de Carotte (E. F'lammarion, édit.). Gavroche Victor Hugo, le plus grand écrivain du xix- siècle, a toujours aime les humble, les pauvres, ceux qui souffrent. Dans son roman des Misérables, il raconte l'histoire d'un gamin de Paris, Gavroche. Gavroche est un petit garçon de onze à douze ans. Abandonné de ses purents, habillé de loques, il vit dans la rue. Voici comment Victor Hugo nous le présente «  C'était un garçon bruyant, blême, leste, goguenard, à l'airvivace et maladi f. Il n'avait pas de gîte, pas de pain, pas de feu, pas d'amour mais il était joyeux parce qu'il était libre. » Mal élevé, Cpavroche est intelligent il a, surtout, bon cœur, et sait être utile aux autres. Écoutez cette histnire Un soir que les bises soufflaient rudement, au point que jan- vier semblait revenu et que les bourgeois avaient repris les manteaux, le petit Gavroche, toujours grelottant gaiement sous ses loques, se tenait debout et comme en extase devant la bou- tique d'i,i perruquier des environs de l'Orme-Saint-Gervais. Il était orné d'un châle de femme en laine, cueilli on ne sait où, dont il s'était fait un cache-nez. Le petit Gavroche avait l'air d'admirerprofondément une mariée en cire, décolletée et coiffée de fleurs d'oranger, qui tournait derrière la vitre, montrant, entre deux quinquets, son sourire aux passants; mais en réalité il observait la boutique afin de voir s'il ne pourraitpas « chiper » dans la devanture un pain de savon, qu'il irait ensuite revendre un sou à un « coiffeur » de la banlieue. 11 lui arrivait souvent de déjeuner d'un de ces pains-là. Il appelait ce genre de travail, pour lequel il avait du talent, «  faire la barbe aux barbiers ».