Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/152

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Un matin, comme je rentrais d'un voyage à Paris, Sylvestre, en recevant ma valise, me dit tristement « Monsieur, la Chi- noise est morte. » Depuis trois jours, elle avait disparu, elle si rangée, qui jamais ne quittait la maison. Nul doute que, sentant sa fin proche, elle ne fût définitivement partie, obéissant à ce senti- ment d'exquise et suprême pudeur qui pousse certaines bêtes à se cacher pour mourir. «  Elle était restée toute la semaine, monsieur, perchée sur le jasmin rouge, ne voulant plus des- cendre pour manger elle répondait pourtant toujours quand nous lui parlions, mais d'une petite voix si faible 1» Où donc était-elle allée passer l'heure terrible, la pauvre Mou- moutte Chinoise? Peut-être, par ignorance de tout, chez des étrangers qui ne l'auront pas seulement laissée finir en paix, qui l'auront pourchassée, tourmentée et mise ensuite au fumier.- Vraiment, j'aurais préféré apprendre qu'elle était morte chez nous; mon cœur se serrait un peu, au souvenir de son étrange regard humain, si suppliant, chargé toujours de ce même besoin d'affection qu'elle était incapable d'exprimer, et tout le temps cherchant mes yeux à moi avec cette même inter- rogation anxieuse qui n'avait jamais pu être formulée. Qui sait quelles mystérieuses angoisses traversent les petites âmes confuses des bêtes, aux heures d'agonie?. Piekhe LOTI, Le Livre de la pitié et de lcc mort (Çalmann-Lévy, édit.). La Mort d'un chat LORSQUEJ'AVAIS UNE huitaine D'ANNÉES,j'ai assisté à un rueurtre, à un vrai meurtre, qui dura au moins une heure et demie. J'étais attentif auprès de l'assassin, tantôt assis, tantôt debout, très intéressé et je n'ai quitté la place que lorsque la victime, une pauvre, belle et innocente victime, eut rendu le dernier soupir.. C'était à Neuilly-sur-Seine, dans la demeure paternelle. Il y avait là un jardinier, mauvais coucheur, taciturne, trapu, ayant la barbé bleue. Un de ces types qui portent, sur le visage, le « Faut pas qu'on m'embête », dont ils font à l'oc- casion, et après coup, leur moyen de défense unique et abru- tissant. Ce jardinier aimait ses melons, comme il n'y a pas de bon sens à le faire. Il se levait la nuit, pour voir s'ils n'avaient point froid; il les emmaillotait, il les embrassait sur les' joues. Or, un chat de quelque voisin devait aussi aimer ces mêmes melons. Mais cette bête les aimait comme on doit aimer les