Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/154

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resté sec de sa prison, se mit à miauler lamentablement, me prenant pour l'arrivée d'un secours. «  Il est vivant il est vivant 1 » criais-je comme un imbécile, comme un petit misérable que j'étais. Un juron effroyable me répondit. Mon complice sauta sur un des échalas qui jonchaient la place avec sa serpe, il en acéra l'extrémité, qu'il enfonça aussitôt par l'orifice où venait de pénétrer mon regard. Et alors une furie de coups, des hoquets de rage, des plaintes désespérées La main du tueur sem- blait manier un pilon, une lardoirer un surin sa physionomie était monstrueuse et inoubliable c'était celle qui voit rouge, qu'exaspère la divine résistancede la vie, et avec laquelle, depuis que le monde est monde, on a dû tuer les faibles et les sans défense, les vieux, les vieilles, les captifs, les enfants étonnés. Et le pieu ressortit enfin du trou, sanglant, gras de chairs palpitantes, épointé et velu. Non, quand je pense à ce crime, moi qui ai maintenant un chat pour frère et tous les chats pour amis, un transport me jette hors de moi Je voudrais savoir où, dans quel pays, il y a un jardinier condamné à mort (cela doit se trouver), pour aller m'asseoir devant la guillotine, devant la potence, devant le garrot, devant le pal. PAUL HERVIEU, A la gloire des chats (Le Monde illustré). Composition de Steinlen.