Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/241

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tants attendirent patiemment dans la glaise humide, sous une pluie fine et froide, tandis que des enfants déguenillés, que le spectacle avait attirés dans le cimetière, faisaient une bruyante partie de cache-cache parmi les pierres tombales, ou variaient leur plaisir en sautant des deux sens par-dessus le cercueil. MM. Sowerberry et Bumble, en leur qualité d'amis personnels du clerc, étaient assis avec lui près du feu et lisaient le journal. Enfin, après un laps d'un peu plus d'une heure, on vit M. Bumble, puis Sowerberry, puis le clerc, accourir vers la tombe. Immédiatementaprès, le pasteur apparut, mettant son surplis en marchant. M. Bumble, à ce moment, gifla un gosse ou deux pour sauver les apparences, puis le révérend, ayant lu du service des morts ce qui s'en peut condenser en quatre mi- nutes, donna son surplis au clerc, et s'en retourna. «  Maintenant, Bill, dit Sowerberry au fossoyeur, remplis! » La tâche n'était pas bien difficile, car la fosse était si pleine que le cercueil du dessus n'était qu'à quelques pieds de la sur- face. Le fossoyeur lança les pelletées de terre, foula légèrement de ses pieds, mit la bêche sur l'épaule et s'éloigna, suivi des gosses, qui marmottaient tout haut leur mécontentementde ce qu'on eût déjà fini de s'amuser. «  Allons, mon brave! dit Bumble, en donnant à l'homme une tape sur l'épaule, on va fermer le cimetière. » L'homme, qui n'avait pas fait un mouvement depuis qu'il s'était planté sur le bord de la tombe, tressaillit, leva la tête, regarda fixement celui qui lui avait parlé, fit quelques pas en avant et tomba évanoui. La vieille folle était trop occupée à pleu- rer la perte de son manteau (que l'entrepreneur avait repris) pour faire attention à lui; on lui jeta au visage un broc d'eau froide, et quand il eut repris ses sens, on le conduisit sans en- combre à la porte du cimetière, on ferma la grille, et chacun s'en fut de son côté. « Eh bien Olivier, dit Sowerberry, tandis qu'ils rentraient chez eux, apprécies-tule métier? Assez, merci, monsieur, répondit Olivier, avec une hésita- tion considérable. Pas beaucoup, monsieur. Bah tu t'y feras avec le temps, Olivier, dit Sowerberry. Ça n'est rien une fois qu'on y est habitué, mon garçon 1» Olivier se demandait en lui-même s'il avait fallu bien long- temps à M. Sowerberry pour s'y habituer; mais il pensa qu'il valait mieux ne pas poser la question, et il rentra à l'agence, en songeant à tout ce qu'il venait de voir et d'entendre. CH. Dickens, Olivier Twist. Traduit spécialement de l'anglais par M. Henri Veslot.