Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/262

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«  J'ai vu la Princesse! je l'ai vue!. Et vous devriez tous vous réjouir de sa venue. » A peine le forgeron avait-il écarté le jeune charbonnier qu'un homme, qui depuis des années vivait exilé dans la forêt, des- cendit au village. Il ressemblait à une bête sauvage avec ses vêtements de peau et sa longue barbe inculte. Mais il souriait en agitant au-dessus de sa tête une branche verte en signe de paix. Il courut à travers le village, et il s'arrêtait devant les maisons ruinées et les caves noires, et il criait à pleins pou- mons « La Princesse vient 1 J'ai vu la Princesse » Quand il fut devant la maison de Folke le bailli et qu'il eut ainsi crié, le vieux Folke apparut triste et voûté. «  La paix soit avec toi, proscrit, lui dit-il. Tu n'as pas besoin de venir avec des mensonges pour te faire pardonner. Je romps le ban qui pesait sur ta tête. Tu ne retourneras plus dans la forêt. Nous qui vivons hors les lois, nous ne pouvons condamner personne à l'exil. Mais pourquoi ne me croyez-vous pas ? répondit le pros- crit. As-tu donc oublié que le roi Inge a promis d'envoyer la Princesse de la Paix au printemps? » A ces mots, le vieillard leva sur lui un regard las et découragé. « Que sais-jé du printemps, moi? dit-il. Automne ou prin- temps, c'est tout un, pour nous autres paysans. Que la neige reste dans nos champs, si elle veut Nous ne les labourerons pas. Que les nuages crèvent et ne se lassent point de pleuvoir, que les grains pourrissent en terre 1 Nous ne sèmerons ni ne récolterons. Nous ne bougerons plus. Nous attendons le désastre et la mort. » Cependant, de pauvres chasseurs et des esclaves fugitifs des- cendirent à leur tour de la forêt et annoncèrent la bonne nou- velle aux gens du carrefour. Seule, la vieille Sigrid Torsdotter demeurait assise, sombre et amère. (( Malheur à qui espère, grommelait-elle, avant que d'avoir vu, de ses yeux vu, la Princesse Quand elle brillera à l'orée des bois sur un beau cheval ferré d'or, quand sa couronne de perles luira au-dessus de la vallée, alors, alors seulement les paysans.de la frontière pourront commencer d'espérer. » Elle' n'avait pas achevé ces mots que les deux vieilles femmes qui avaient été ramasser de la mousse dans la forêt jetèrent un crï « Sainte Mère de Dieu, aidez-nous 1 Et elles regardaient vers la lisière du bois où le chemin sortait de l'épaisse futaie comme d'une voûta obscure. Et tous se mirent à crier « Venez voir! Qu'est-ce donc?'- Sainte Mère de Dieu, secourez-nous! Mettez la main au-