Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/267

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fleuve. Persuadé que la bête ne reviendrait pas cette nuit, Naoh résolut d'occuper sa demeure. Tandis qu'il le déclarait à ses compagnons, une rumeur immense vibra le long des rocs et de la rivicre les aurochs étaient venus Leurs voix, puis- santes comme le rugissement des lions, se heurtaient à tous les échos de l'étrange territoire. Naoh n'écoutait pas sans trouble le bruit de ces bêtes colos- sales. Car l'homme chassait peu l'urus (1) et l'aurochs. Les tau- reaux atteignaient une taille, une force, une agilité que leurs descendants ne devaient plus connaître leurs poumons s'em- plissaient d'un oxygène plus riche; leurs facultés étaient, sinon plus subtiles, du moins plus vives et plus lucides; ils connais- saient leur rang, ils ne craignaient les grands fauves que pour les faibles, les traînards, ou ceux qui se hasardaient solitaires dans la savane. Les trois Oulhamr sortirent de la caverne. A peine ils sortaient de la pénombre qu'une autre clameur s'éleva, qui transperçait la première comme une hache fend la chair d'une chèvre. C'était un cri membraneux, moins grave, moins rythmique, plus faible que le cri de l'aurochs; pourtant il annonçait la plus forte des créatures qui rôdaient sur la face de la terre. En ce temps, le mammouth circulait invincible. Sa statuiv 'loignait le lion et le tigre; elle décourageait l'ours gris; l'homme ne devait pas se mesurer avec lui avant des mil- lénaires, et seul le rhinocéros, aveugle et stupide, osait le combattre. Il était souple, rapide, infatigable, apte à gravir les montagnes, réfléchi et la mémoire tenace; il saisissait, travail- lait et mesurait la matière avec sa trompe, fouissait la terre de ses défenses énormes, conduisait ses expéditions avec sagesse et connaissait sa suprématie la vie lui était belle; son sang coulait bien rouge il ne faut pas douter que sa conscience fût plus lucide, son sentiment des choses plus subtil qu'il ne l'est chez les éléphants avilis par la longue victoire de l'homme. Il advint que les chefs des aurochs et ceux des mammouths approchèrenten même temps le bord des eaux. Les mammouths, selon leur règle, prétendirent passer les premiers cette règle ne rencontrait d'opposition ni chez les urus, ni chez les aurochs. Pourtant, tels aurochs s'irritaient, accoutumés à voir céder les autres herbivores et conduits par des taureaux qui connais- saient mal le mammouth. Or, les huit taureaux de tête étaient gigantesques le plus grand atteignait le volume d'un rhinocéros leur patience était courte, leur soif ardente. Voyant que les mammouths Urus bison d'Europe exîsto encore dans le Caucase et on Lithuanie..