Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/69

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Cependant Mateo est revenu avec sa femme. L'adjudant lui apprend que son fils Fortunato a révélé la cachette du bandit et a ainené ainsi son arrestation. «  Malédiction dit tout bas Mateo. Ils avaient rejoint le détachement. Gianetto était déjà couché sur la litière et prêt a partir. Quand il vit Mateo en la com- pagnie de Gamba, il sourit d'un sourire étrange; puis, se tournant vers la porte de la maison, il cracha sur le seuil en disant: « Maison d'un traître 1» Il n'y avait qu'un homme décidé à mourir qui eût osé pro- noncer le mot de traître en l'appliquant à Falcone. Un bon coup de stylet; qui n'aurait pas eu besoin d'être répété, aurait immédiatement payé l'insulte. Cependant Mateo ne fit pas d'autre geste que celui de por- ter sa main à son front comme un homme accablé. L'enfant regardait d'un œil inquiet tantôt sa mère et tantôt son père, qui, s'appuyant sur son fusil, le'considérait avec une expression de colère concentrée. «  Tu commences bien '» dit enfin Mateo d'une voix calme, mais effrayante pour qui connaissait l'homme. Mon père » s'écria l'enfant en s'avançantles larmes aux yeux comme pour se jeter à ses genoux. Mais Mateo lui cria « Arrière de moi !» Et l'enfant s'arrêta et sanglota, immobile, à quelques pas de sonpère. Giuseppa s'approcha. Elle venait d'apercevoirla chaîne de la montre, dont un bout sortait de, la chemise de Fortunato. Qui t'a donné cette montre? demanda-t-elle d'un ton sévère. Mon cousin l'adjudant. » Falcone saisit la montre, et, la jetant avec force contre une pierre, il la mit en mille pièces. Les sanglots et les hoquets de Fortunato redoublèrent, et Falcone tenait ses yeux de lynx toujours attachés sur lui. Enfin il frappa la terre de la crosse de son fusil, puis le rejeta sur son épaule, et reprit le chemin du maquis en criant à Fortunato de le suivre. L'enfant obéit. Giuseppa courut après Mateo et lui saisit le bras. « C'est ton fils », lui dit-elle d'une voix tremblante en atta- chant ses yeux noirs sur ceux de son mari, comme pour lire ce qui se passait dans son lune, Laisse-moi, répondit Mateo je suis son père. Giuseppa embrassa son fils et rentra en pleurant dans sa