Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/110

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Tandis que Perrault cherchait, de parti pris, le moderne sans le rencontrer, il le rencontra tout à coup sans le chercher. Un jour qu’il ne s’en doutait pas, de son cerveau, mis en mouvement par un enfant, jaillirent quarante pages les plus nourries de choses et de notations diverses, les plus légères d’allures qu’on ait écrites dans notre langue. Ce sont les Contes de ma mère l’Oie. Par ces contes, Perrault créa de toutes pièces un genre intégralement neuf. Il n’en avait eu de modèles ni chez les Grecs, ni chez les Romains, ni, quoi qu’on ait dit, chez les Bas-Bretons. Il n’a transmis son secret à personne, ni en France ni ailleurs. Les frères Grimm ne lui ressemblent point et n’en approchent pas, ni madame d’Aulnay, ni l’honnête Charles Deulin, notre contemporain, dont Sainte-Beuve, qui ne laissait rien échapper, admira tout de suite le Poirier de misère ; mais ce n’était pas Perrault.

Comment Perrault s’y était-il pris ?

Perrault, en quittant les affaires, s’était consacré à l’éducation de ses enfants tout autant qu’aux lettres. Il aimait les contes de nourrice ; son fils ne les haïssait pas. Il en choisit quelques-uns dans le fonds indéterminé de la tradition populaire, et il leur donna figure pour son amusement et pour celui de son petit élève. M. André Lefèvre fait ici une supposition très fine ; c’est que, avant d’écrire ses