Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/133

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deux vers de Virgile, sans presque y rien changer, on fasse mieux ou autre chose que Virgile ? Voici comment les a transposés un Français du xviie siècle, Segrais, je crois :

Ô les discours charmants ! ô les divines choses,
Qu’un jour disait Almise, en la saison des roses ;
Doux zéphyrs, qui régniez alors dans ces beaux lieux
N’en portâtes-vous rien aux oreilles des dieux ?


En citant ces vers, je ne cherche pas qui a le mieux dit, de Virgile ou du poète français. Je cherche si traduire, c’est contrefaire, ou si traduire, c’est inventer. Eh bien ! je le demande, quels vers de notre langue ont une allure plus française, et qui sente mieux son cru que ces vers-là ? Qui, ne les ayant pas lus d’abord dans Virgile, croirait qu’ils sont empruntés et traduits de Virgile ? Est-ce que le mot « divin » employé par notre Français dans un sens que ne comporte pas le génie de la langue latine ; est-ce que l’attribut complémentaire « en la saison des roses » d’un effet si gracieux et si vif ; est-ce que ce « doux zéphyrs » qui n’a pas ! vérité rustique de venti, mais qui n’en a pas non plus la sécheresse : est-ce que la substitution du mode interrogatif au mode impératif dans l’apostrophe :

N’en portâtes-vous rien aux oreilles des dieux ?