Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/134

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est-ce que ces gentils riens, qui sont tout, ne font pas passer le traducteur à l’état d’inventeur, les vers nés latins à l’état de vers qui seraient nés français, la sensation virgilienne à l’état de sensation toute neuve, qui sort sans mixture comme sans scories du creuset d’or de l’imagination française ? Est-ce qu’ici l’antique formule traduit et imité de… n’équivaut pas à la formule « transformé et recréé » ?

Voyons autre chose. Voici un quatrain de l’Anthologie grecque, l’un des plus jolis, le quatrain de Laïs vieillie :


« Moi, dont le faste s’est ri de la Grèce ; moi qui ai eu à ma porte l’essaim des jeunes amoureux, Laïs, à la déesse de Paphos je rends ce miroir, puisque m’y voir telle que je suis, je ne le veux ; telle que j’étais, je ne le peux. »

· · · · · · · · · · · · · · · epei toiè men orasthai
Ouk ethelò, oiè d’èn paros ou dunamai.


Voltaire traduit ainsi ces deux derniers vers :

Je le donne à Vénus, puisqu’elle est toujours belle ;
Je ne saurais me voir en ce miroir fidèle,
Ni telle que j’étais, ni telle que je suis.


Voltaire ne dépasse pas le modèle ; j’ai même supprimé un vers de remplissage. Mais le fait que le