Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/135

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tour naturel de la langue française permet à Voltaire de rendre en un seul mot, je ne saurais, le double sentiment qui n’en fait qu’un et que Laïs exprime par l’antithèse des deux verbes ouk ethelò (je ne le veux) et ou dunamai (je ne le puis) prête peut-être à ce sentiment plus d’abandon, et le fait de renfermer en un seul alexandrin le présent et le passé lui donne, ce me semble, plus de légèreté.

Un troisième exemple. Je l’emprunte encore à l’Anthologie :


« Une vipère, un jour, piqua un Cappadocien ; mais, elle aussi, tomba morte (katthané) ayant goûté d’un sang infectieux (geusaménè aïmatos iobolou). »


L’idée est ingénieuse ; mais que l’expression est traînante ! Bruzen de Lamartinière aiguise ainsi l’idée dans son Recueil des épigrammatistes français :


Un gros serpent mordit Aurèle ;
Que croyez-vous qu’il arriva ?
Qu’Aurèle en mourut ? bagatelle !
Ce fut le serpent qui creva.


Cela est déjà beaucoup mieux. L’appendice geusaménè aïmatos iobolou, qui est fade et niais, a disparu de l’épigramme qu’il alanguit. Certainement, dans le grec l’aoriste contracté katthané a de la force.