Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/230

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croit pas beaucoup à la légende qui courait et qu’il rapporte ; et il a bien raison. Cependant l’embryon de vérité s’y trouve. Une bonne farce faite à son oncle par un garnement de neveu est devenue un cri de mort tout à fait abominable, jeté par de jeunes frénétiques contre les paisibles versificateurs de l’Académie française. Et qui a poussé la sauvage clameur ? Le parent chéri d’un académicien, un parricide tout simplement ! Pour se créer elle-même, la légende n’a eu qu’à transposer, du plaisant au sérieux, le ton primitivement mis à la phrase de mort par le jeune Amaury Duval ! « La mythologie, dit Max Müllier, est une maladie de langage. »

Remarquons, d’ailleurs, qu’il apparaît ici une fois de plus, combien la légende est plus expressive de la vérité que les faits bruts. Les faits bruts sont diffus et plats ; la légende leur donne la couleur et les condense. Népomucène Lemercier, circulant dans les couloirs à la première représentation de Henri III parmi les figures railleuses ou malveillantes, n’a pas entendu le mot : Enfoncé, Racine, ni le mot : Racine est un polisson. Il n’a entendu siffler à ses oreilles que l’épigramme fort légitime, quoique facile et vulgaire : Melpomène et Thalie enfoncées ! Mais le mot imaginaire : Enfoncé, Racine, qui n’a été probablement dit par personne, était au fond de bien des cœurs. Je ne sais si le Gentil, dont parle Séchan,