Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/289

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père de négociant de Syracuse qui, à peine débarqué sur le quai de Dyrrachium, fait d’aimables rencontres et, sur-le-champ, en profite à la bonne franquette ; nous avons, dans la comédie de l’an 1705 de notre ère, le chevalier à la mode de ce moment-là, de qui une mûre Araminte se fait aimer à beaux deniers comptants ; des bourgeois de Plaute ou de ce chevalier, lequel, à votre avis, est le plus propre ? Sur ce point, renvoyons dos à dos le poète ancien, qui s’étend sans vergogne, et Regnard de qui l’avantage réel n’est pas d’être plus moral, mais d’envelopper et de cacher l’immoralité dans le nuage d’or de la poésie. Plaute, regardé directement en soi, subsiste par toutes les qualités qui font le grand écrivain et le grand comique. La solidité rude de la langue, la fraîcheur, la naïveté, l’aplomb de l’expression et du tour, la rondeur du comique, la franchise du mouvement et de la vie donnent à ses Ménechmes un prix inestimable. Quel jeune homme, menant la vie galante, ne serait séduit du naturel de la courtisane Érotium, si prévenante et si avenante, pourvu qu’on la paye et que le souper soit bon ! Quel mari de petite bourgeoise, tracassé par sa femme, ne reconnaîtra l’intérieur de son propre ménage dans le tableau que trace en quelques mots, dès son entrée en scène, Ménechme Éreptus, quand il parle à sa femme à la cantonade !