Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/296

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Shakspeare eût lu les Ménechmes avant de composer la Comédie des méprises. J’oserai même dire qu’il avait lu de Plaute plus que les Ménechmes ; il avait lu aussi Amphitryon tout au moins. Il y a dans la Comédie des méprises une scène qui vient d’Amphitryon en droite ligne, la scène première du troisième acte, quand on festine chez Antipholus d’Éphèse et qu’on le laisse parlementer à la porte avec ses invités, sans lui ouvrir. Shakspeare s’est donc imprégné de Plaute comme des vieilles chroniques d’Écosse et de Danemark. Avec cela, quelle pièce est plus de lui que la Comédie des méprises ! Où a-t-il plus semé tout ce qui le caractérise : la richesse éblouissante des épisodes, l’imbroglio pétillant, la fantaisie ailée, des créatures féminines qui vivent entre ciel et terre, les ivresses de l’amour idéal. Le rire de Plaute à large panse, qu’est-il devenu avec Shakspeare ? Une fleur, un rayon du rire. Le discours de Ménechme à sa femme et les rebuffades du Socer à sa fille, où croyez-vous qu’ils soient encore ? Ils sont dans l’entretien délicieux d’Adriana et de sa sœur Luciana sur l’art de retenir captif un cœur d’amant. Shakspeare, à qui il faut de l’étoffe, se donne deux paires de jumeaux au lieu d’une seule qu’il a trouvée chez Plaute. Nous n’avons plus le parasite, ni le beau-père du poète latin ; Érotium, sous le nom vague de « la Courtisane »,