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la chambre rouge

brillants et allumés. Puis il se remit à tousser et à cracher.

— Pourquoi ne buvez-vous pas ? — dit l’homme au bras paralysé en poussant la carafe de bière vers le nouveau venu.

L’homme à l’abat-jour emplit d’un bras tremblant un verre, répandant autant de liquide sur la table de bois blanc. Une ombre monstrueuse s’étalait sur le mur, singeant son geste quand il se versa la bière et la but. Je dois avouer que je ne m’attendais guère à ces grotesques gardiens. Il y a, selon moi, quelque chose d’inhumain dans la sénilité, quelque chose de rampant et d’atavique, les caractéristiques humaines semblant de jour en jour échapper aux vieillards. Ces trois-là me donnaient une impression de malades avec leur silence mort, leur démarche courbée, l’évidente antipathie qu’ils manifestaient, non seulement pour moi, mais les uns pour les autres.

— Si vous voulez me mener à cette chambre hantée, je vais tâcher de m’y installer confortablement, — dis-je.

Le vieillard à la toux rejeta la tête en arrière d’un geste si brusque que j’en tressaillis, et il me lança sous son abat-jour un nouveau regard de ses yeux rouges ; mais personne ne me répondit. J’attendis une minute, examinant tour à tour ces trois personnages.