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les pirates de la mer

semblait monter devant mes yeux, pendant que je me figurais rester immobile. Je regardai au-dessous de moi, et je vis les eaux sombres de la rivière et le cadavre du cipaye qui venaient à ma rencontre. Mais dans l’indistincte clarté, je discernai aussi trois ennemis, ahuris de me voir arriver, et le cipaye décapité. À cette vue j’aurais bien voulu pouvoir remonter.

« Au même instant, ma botte entrait dans la bouche d’un des ennemis, et lui et moi ne formions plus qu’un seul tas avec la toile qui s’abattait sur nous en se dégonflant. Sans doute, j’avais dû faire jaillir la cervelle de l’homme sous mon pied. Je n’attendais rien d’autre que d’être à mon tour massacré, mais les pauvres païens, qui n’avaient jamais entendu parler de Baldwin, prirent immédiatement la fuite.

« Je me dépêtrai de la toile et du cadavre et jetai : un regard autour de moi. À environ dix pas se trouvait la tête du cipaye, les yeux fixes, au clair de lune. Puis, j’aperçus l’eau et je courus boire. Il n’y avait d’autre bruit au monde que celui de la retraite précipitée des ennemis, un faible cri qui me parvint d’en haut et le murmure du courant. Dès que j’eus bu tout mon soûl, je descendis au long de la rivière.

« Telle est l’explication de l’histoire de l’homme volant. Pendant les douze kilomètres que je fis pour