Page:Weustenraad - Poésies lyriques, 1848.djvu/151

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Dieu ne m’a pas doué de cet œil plein de flamme
Pour garder le troupeau qui vit sur le fumier,
Et ma voix cède mal au souffle de mon âme
Pour chanter des Noëls aux filles du fermier.

Je sens, avec orgueil, jeune et vaillant athlète,
Palpiter, dans mon sein, quelque chose de grand ;
Je sens, sous mes haillons, que mon être reflète
L’éclat d’un avenir qu’il cherche en haletant ;
Je sens que mes pensers in étouffent près de l’âtre
Où travaille ma mère, où rit ma jeune sœur,
Et qu’il me faudrait, seul, un vaste et beau théâtre,
Pour déployer ma force et répandre mon cœur.

Pourquoi donc suis-je, moi, né sous un toit de chaume ?
Pourquoi ne suis-je pas le fils d’un de ces Grands
Qui, du haut de leur char, traînent par le royaume
L’inutile fardeau de leurs jours ignorants ?
Pourquoi faut-il que moi je vive de racines,
Étendu près d’un soc trempé de mes sueurs,
Lui, des blés de ses champs, des vins de ses collines,
Assis sur la soie et les fleurs ?

Pourquoi faut-il que moi, Paria de nos villes,
Je marche, parmi tous, seul vêtu de haillons,
Lui, d’opulents tissus, teints par des doigts habiles,
Mais trop souvent salis par l’or des histrions ;