Parfois même, comme eux, sans craindre les orages,
Saluant mon berceau d’un dernier chant d’adieux,
Je voulais m’en voler vers de nouveaux rivages,
Et partir avec eux ;
Mais quand mon œil ému S’abaissait vers la terre,
Je disais, retrouvant des pas longtemps connus :
Terre de la patrie, ô sol où dort ma mère,
Je ne te quitte plus !
Alors je peuplais l’air des plus brillants fantômes ;
J’étais riche, puissant, je fondais des royaumes,
Je sentais, sous mes pieds, le monde s’agrandir ;
Sur mon char idéal, seul, traversant l’espace,
Je transformais le globe et versais sur sa face
Tous les enchantements des siècles à venir.
Mais le temps emporta ces jours de folle ivresse
Que, jeune, on méconnaît, qu’on regrette plus tard,
Jours que voudrait en vain, au prix de la sagesse,
Racheter le vieillard ;
Tel est souvent l’emploi des trésors de la vie :
On n’en connaît le prix que lorsqu’ils sont perdus ;
L’amour est encensé, la liberté bénie,
Dès qu’ils sont disparus.
Page:Weustenraad - Poésies lyriques, 1848.djvu/87
Cette page n’a pas encore été corrigée