Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/300

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cordial que plus d’une fois, pendant les semaines suivantes, je m’en prévalus pour retourner la voir. Non pas que ce fût une femme « intéressante » ; sur ce point, miss Croft pouvait être tranquille. C’est précisément parce qu’elle ne l’était pas (qu’on me pardonne ce paradoxe) que je m’y intéressais.

Jack, pendant toute sa vie, avait été entouré de femmes intéressantes : son art, nourri par elles, s’était épanoui dans la tiède atmosphère de leur adulation. Il me paraissait, par conséquent, d’autant plus curieux d’observer l’effet que produirait sur lui « l’influence écrasante de la médiocrité ». (Je cite miss Croft.)

J’ai déjà dit que Mrs Gisburn était fort riche, et je m’aperçus tout de suite que son mari en éprouvait une satisfaction à la fois délicate et dédaigneuse. J’ai souvent eu l’occasion de constater que ceux qui affectent de mépriser l’argent en tirent les plaisirs les plus subtils ; et l’élégant mépris de Jack pour la grosse fortune de sa femme lui permettait, sans déroger à son attitude d’indifférence, de contenter pleinement tous ses goûts artistiques. Il demeurait, j’en conviens, insensible au luxe banal ; mais il achetait des bronzes de la Renaissance et des tableaux du dix-huitième siècle avec un discernement qui dénotait la plus large opulence.