Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/101

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Je m’aide du matériel et de l’immatériel,
Nul gardien ne peut me fermer la porte, nulle loi m’empêcher.

Je ne mets à l’ancre mon navire que pour un petit moment,
Mes estafettes sont sans cesse en croisière au large ou vien­nent me faire leur rapport.

Je m’en vais chasser au pôle les animaux à fourrure et le phoque, sautant les crevasses avec un bâton ferré, me cramponnant à des aspérités fragiles et bleues.

Je grimpe à la pomme du mât de misaine,
Je viens quand la nuit est avancée prendre ma place dans le nid de corbeau,
Nous naviguons sur la mer arctique, la lumière est plus que suffisante,
À travers la claire atmosphère je m’étends sur la prodi­gieuse beauté qui m’entoure,
Les masses énormes de glaces passent devant moi et moi de­vant elles, on distingue le paysage dans toutes les di­rections,
Les montagnes aux cimes blanches apparaissent dans le lointain, vers elles s’élancent mes désirs,
Nous approchons d’un grand champ de bataille où nous allons bientôt avoir à combattre,
Nous passons devant les colossaux avant-postes du camp, nous y passons prudemment et sans faire de bruit,
Ou voilà que nous entrons par les faubourgs dans quelque vaste cité en ruines,
Les blocs de pierres et monuments écroulés surpassent toutes les cités vivantes du globe.