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FEUILLES ï/ h ERBE

Je dresse pour moi-même ou toi ou pour quiconque la liste
divine,

Le visage, les membres, le répertoire de la tête aux pieds et
tout ce qu’il éveille,

Le délire m ystique, la folie amoureuse, l ’abandon total,
(Ecoute bien et sans bouger ce que je te murmure en ce m o­
ment,

Je te chéris, oh ! tu me possèdes entièrement,
Oh ! si toi et moi nous fuyions les autres et nous en allions
loin, bien loin, libres et effrénés,
Deux éperviers dans l ’ air, deux poissons nageant dans la
mer pas plus effrénés que nous) ;
L’orage furieux me parcourt, je tremble de passion,
Le serment d’être à deux inséparablement, avec la femme,
qui m ’ aime et que j ’ aime plus que ma’ vie, ce serment
je le fais,
(Oh ! volontiers je risque tout pour toi,
Ahl que je me perde s’il faut I
Oh ! toi et moi ! Que m’importe ce que font ou pensent les
autres ?
Qu’ importe tout le reste pour nous ? Jouissons seulement
l’un de l ’ autre,et épuisons-nous l ’ un l ’ autre s’il faut) ;
Par le maître, le pilote auquel j ’abandonne le vaisseau,
Le général qui me commande, commande à tous, duquel je
reçois ’a permission,
Par le temps dont je hâte le programme (je n’ai que trop
longtemps musé),
Par le sexe, par la chaîne et par la trame,
Par la retraite, par les fréquents soupirs seul,
Par tant de personnes autour de vous et pourtant la per­
sonne q u’il faudrait point autour de vous,
Par le doux frôlement des mains le long de moi et les
doigts enfoncés dans ma chevelure et ma barbe.