Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/98

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À des festins de garçons avec leurs plaisanteries canailles et leur ironie salée, où l’on danse entre hommes, boit et rigole,
Au pressoir à cidre où je savoure les délices du fauve breu­vage en aspirant le suc avec une paille,
Avec les peleuses de pommes, réclamant un baiser pour chaque fruit rouge que je trouve,
Aux revues d’appel, parties sur la grève, veillées, éplucha­ges du maïs, pendaisons de crémaillère ;
Où l’oiseau-moqueur fait entendre ses délicieuses notes li­quides, son babil, ses cris, ses pleurs,
Où la meule de foin s’élève dans la cour de ferme, où les tiges sèches jonchent le sol, où la vache véleuse attend sous le hangar,
Où le taureau s’avance pour accomplir son œuvre de mâle, où l’étalon couvre la jument, où le coq foule aux pattes la poule,
Où paissent les génisses, où les oies picorent avec de brefs mouvements saccadés,
Où les ombres du soir s’allongent sur l’immensité solitaire de la prairie,
Où les troupeaux de bisons forment une masse grouillante sur des milles carrés partout,
Où luit le colibri, où le cygne longévite courbe son col ser­pentin,
Où la mouette rieuse rase le rivage, en riant de son rire presque humain,
Où les ruches s’alignent sur un vieux banc dans le jardin à demi-cachées par les hautes herbes,
Où les perdrix à collier dorment en cercle sur le sol, tête en dehors,
Où les corbillards franchissent le portail cintré d’un cime­tière,