Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
CHAPITRE VI.

allâmes tout d’abord visiter un endroit cher aux touristes, situé près du glacier de Gorner (ou pour parler plus exactement, le glacier de Boden). C’est une petite prairie verte, parsemée d’euphrasia officinalis, les délices de nombreux essaims d’abeilles qui récoltent sur ces fleurs le miel servi plus tard à la table d’hôte.

À notre droite, le torrent qui s’échappe du glacier se précipitait avec fracas dans la vallée à travers une gorge sauvage aux versants escarpés d’un abord peu facile, car le gazon qui en garnit le sommet était très-glissant et les rochers avaient été partout arrondis et polis par le glacier qui s’étendait autrefois bien au delà de ses limites actuelles. Cette gorge paraît avoir été creusée surtout par le torrent postérieurement à la retraite du glacier. Non-seulement, en effet, ses parois portent les traces visibles du passage de l’eau, mais, dans les rocs arrondis qui forment leur extrémité supérieure à une hauteur de 21 ou 25 mètres au-dessus du niveau actuel du torrent, on remarque quelques-unes de ces concavités bizarres que les torrents rapides sont seuls capables de produire dans la pierre.

Un petit-pont, d’aspect fragile, est suspendu au-dessus du torrent juste au-dessus de son entrée dans la gorge ; de ce pont on aperçoit, dans les rochers inférieurs, des concavités semblables à celles des rochers supérieurs. Le torrent descend avec

    Zermatt n’est devenu un point central dans les Alpes que depuis douze ou quatorze ans. Il y a trente ans, le col Saint-Théodule, le Weissthor et le col d’Hérens étaient, je crois, les seuls passages connus par lesquels les touristes partant de Zermatt pouvaient traverser les Alpes Pennines. Maintenant (en comprenant ces passages et la route de la vallée), vingt-quatre directions différentes s’offrent à eux. Les sommets de quelques-uns de ces nombreux cols sont à une hauteur de plus de 4250 mètres au-dessus du niveau de la mer, et plusieurs ne sauraient être recommandés ni comme faciles ni comme étant les voies les plus courtes entre Zermatt et les vallées et les villages auxquels ils conduisent.

    Zermatt n’est encore qu’un modeste village de cinq cents habitants (dont une trentaine exercent la profession de guides) composé de maisons de bois pittoresques noircies par le temps. Tous les hôtels, y compris celui du Riffel, appartiennent à un seul propriétaire, M. Alexandra Seiler, auquel le village et la vallée doivent en grande partie leur prospérité, — la providence des touristes qui ont besoin de renseignements ou d’un aide quelconque.